Je sentais déjà la fraîcheur du petit matin sur ma peau. Etonnant de voir à quel point, il pouvait être difficile de sortir à l’aube. En temps normal, je me réveillais toujours aux alentours des huit heures du matin. Mais aujourd’hui, j’avait été beaucoup plus matinal. Etonnant, je sais. Quoi qu’il en soit, j’aurais dut rester chez moi. Je le savais à la minute même ou j’avais mis le pied dehors. La bourrasque de vent que j’avais reçu en pleine figure, m’en avait donné la preuve supplémentaire. Une larme avait perlé le long de ma joue, tellement tant de frissons m’avaient aussitôt parcouru tout le corps. Je n’étais pas connu pour être une personne très frileuse. Mais à cette heure-ci, qui ne l’était pas un peu ? Je n’avais pas vraiment envie de marcher aujourd’hui. Et puis, je ne connaissais pas les rues de Londres à cette heure-ci. Désertes, sans doute. J’avais laissé mes clés de voiture chez moi, ne prenant que le stricte minimum sur moi. A savoir mon bipeur, ainsi que mes clés. Etre médecin n’est pas toujours facile, je dois le reconnaître. Mais même si cela me plaît énormément, je ne sentirais pas la force de retourner à l’hôpital aujourd’hui. Espérons que cela n’arrive pas. Tout en marchant d’un pas très lent, je regarda ma montre : 7h45. Bah, la bibliothèque n’ouvrait pas avant les huit heures et demi, si ma pauvre mémoire était bonne. J’avais donc le temps d’y aller tranquillement. Je laissais donc mes pieds me guider à l’autre bout du quartier, alors que mes pensées commençaient déjà à divaguer dans tous les sens.

Comme je m’y étais attendu, la porte de la grande bibliothèque était fermée. J’avais marché plus vite que prévu, comme d’habitude. Pourtant, je n’avais jamais été quelqu’un de très sportif. La course, le football ou même la natation, ce n’est pas pour moi. Bon bien sur, je ne suis pas un pauvre type qui se laisse aller … Mais juste le minimum, en faite. M’asseyant tranquillement sur un banc à quelques mètres de là, je me réchauffa les mains. Il n’y avait pas la climatisation à l’intérieur. Et ce n’était pas une église très récente. J’aurais sans doute encore plus froid que maintenant … Bah ! Plus que quelques heures à tenir, mon cauchemar allait bientôt se terminer. En parlant de cauchemar, j’en avais fait un des plus étranges cette nuit. Je me retrouvais ivre mort dans une ruelle sombre, à attendre que quelqu’un vienne m’aider … Etrange. Je ne buvais jamais à ce point-là. Quelques bières me suffisaient amplement. Pas besoin de me mettre saoul tous les soirs. Pourtant, ce rêve m’avait quand même paru bizarre. Trop réel. Mais bon, ce n’était qu’un rêve, après tout. Tout y repensant, je regarda une nouvelle fois ma montre. C’était une vraie mimique chez moi. Toujours regarder l’heure. Comme si j’étais un homme pressé. Pourtant, ce n’était pas du tout mon cas. M’enfin, qu’importe. Me retournant, je vis le vieux monsieur de la bibliothèque me faire un signe de la main. Par politesse, je lui rendis avec en prime, un sourire. Ce n’était pas la première fois que je venais. Il devait sans doute me reconnaître, à force.

" Bon alors, où est-ce qu’il peut bien … Ah, voilà ! "

Quelques minutes plus tôt, j’avais déposé mon long manteau noir ainsi que quelques autres bouquins sur le corps humain sur une table, à l’autre bout de la bibliothèque. Mais en commençant à feuilleter ma trouvaille, j’avait oublié un autre livre. J’y étais donc retourné pour le chercher. Normal. Je ne pris pas la peine de regarder où je mettais les pieds. A huit heures et quelques, personne n’aurait eu l’idée de venir ici. La preuve, j’avais été obligé de parler au bibliothécaire pendant une bonne dizaine de minutes. Après m’avoir raconté mainte et mainte fois sa vie de couple, j’avais l’impression de tout connaître de ce vieil homme. Ouvrant tranquillement mon livre, je le feuilletait en me dirigeant vers la table que j’avais quitté. Ce n’est qu’en sortant de ma rêverie, que je m’aperçu que la chaise que j’occupais, n’était plus libre. Fermant mon livre, je tapota sur l’épaule de l’homme qui y était assis dessus. Ce n’était pas le bibliothécaire. Trop grand. D’une voix calme mais ferme, je m’excuse poliment, avant de réclamer ma chaise :

" Euh excusez-moi, mais ce sont mes affaires sur cette table. Il doit y en avoir une dizaines d’autres ailleurs, si je ne m’abuse. "

La journée avait plutôt mal commencé pour Alexander. Ses voisins, d'humeur fêtarde, avaient décidé de fêter Noël en avance. Toute la nuit, Alex avait eu le droit à une atrocité que certains se donnaient le droit d'appeler de la musique. L'idée de sonner à leur porte pour faire un scandale avait bien sûr effleuré le jeune homme, mais l'énergie lui avait manqué et il avait finalement préféré rester au lit. Quand une heure décente pour se promener dans Londres fut arrivée, il sortit en toute hâte. Il espérait que le vent vif et sec qui soufflait sur la capitale britannique parviendrait à le réveiller. Cette tentative n'eut pas vraiment le résultat escompté. Il avait toujours autant envie de dormir et n'arrivait pas à se sortir de cette torpeur lancinante dans laquelle il était plongé. Sachant qu'il n'arriverait pas à trouver le sommeil chez lui, il décida de se rendre dans une des bibliothèques où il se allait souvent. Il était sûr qu'au moins là-bas il pourrait piquer un somme en toute tranquillité.

Ses pas le portèrent rapidement à l'endroit choisi. Le beau brun ne prit même pas la peine de dire bonjour au bibliothécaire, qui était assis comme à chaque fois derrière son comptoir, et préféra se diriger tout droit vers sa place attitrée. En effet, le jeune londonien avait ses habitudes ici. A chaque fois qu'il venait dans ce bâtiment, il s'asseyait toujours à la même table sur la même chaise. C'était presque devenu un rituel. Cela pouvait paraitre ridicule, mais c'était comme ça. Alex détestait le changement, et ça quelque soit la forme sous laquelle il se présentait, cela lui faisait peur. Il avait toujours l'impression qu'en évoluant on perdait quelque chose. Il était un peu comme ces vieux conservateurs qui refusent le progrès.

Malheureusement pour lui, la place tant désirée était occupée, du moins il y avait des affaires sur la table même si il n'y avait personne. Si il n'avait pas passé une si mauvaise nuit, il serait sans doute sorti de la bibliothèque en ruminant. Mais aujourd'hui, Alexander décida de ne porter aucune attention aux livres empilés sur la table. Comme son grand-père lui avait souvent dit quand il était petit "Qui va à la chasse perd sa place". Son choix arrêté, l'étudiant en psychologie s'affala sur le siège et commença à somnoler tranquillement. Une voix qu'il ne reconnut pas tout d'abord le tira du repos tant mérité. Il s'apprêtait à envoyer balader celui qu'il venait de l'interrompre quand il se ravisa. En effet, le grand brun se rendit compte que l'homme à ses côtés n'était autre que Casey Mitchell, le frère d'une des conquêtes d'Alexander. Entre eux la relation avait toujours été tendue et cela n'était sans doute pas près de s'arrêter. Mr Cooper décida que s'amuser un peu ne lui ferait aucun mal et illuminerait peut-être sa triste journée.

- Oui, ce sont peut-être vos affaires. Mais cette table ne vous appartient en aucun cas, n'est-ce pas ? demanda-t-il en accentuant les derniers mots. Donc soyez gentil et partez en vitesse en me débarrassant de tout ce bordel au passage ajouta-t-il tout en désignant d'un bref signe de tête le tas de bouquins qui trônaient en face de lui.

Bien qu'il lui ait demandé de partir, Alex n'en avait en vérité aucune envie. Il avait dit ça seulement pour énerver le jeune homme et il était sûr que ça marcherait. La seule chose que l'étudiant en psychologie voulait c'était jouer. Et l'autre idiot en face de lui était parfait pour ça.

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