La grille s’ouvrait sur un paysage lugubre et une boule se forma dans mon estomac, alors que j’hésitais à entrer. Je n’étais pas allé dans un cimetière depuis ce retour dans le temps, et y ayant passé ma vie depuis quelques semaines, j’étais désormais traumatisé par la pierre tombale de Kate, que j’étais persuadé de retrouver ici. J’étais venu sur un coup de tête, persuadé qu’en réalité elle était toujours morte, décédée, introuvable, loin de moi dans tous les cas et de nous. Respirant profondément et longuement, je les passais avant d’avancer parmi les pierres tombales, le cœur battant à tout rompre, si bien que j’avais l’impression qu’il pouvait briser mes côtes. « Du calme Aeron » Mais se parler à soi même ne dénoter que d’un état psychologique alarmant. Je remplis à nouveau mes poumons, prêt à m’effondrer, m’attendant à la voir. Je savais qu’elle ne pouvait être que là. Je l’avais tellement vu et regarder, tellement perdu sur ses lettres entrelacées, tellement appuyé contre pour parfois y passer des heures sans bouger. Une pierre ne pouvait disparaître….bien que je l’espérais si fort que mes sentiments s’entrechoquaient de telle façon qu’un arrêt cardiaque ne m’étonnerait pas. Pourtant je continuais à avancer, les yeux à moitié fermé, priant, jusqu’à me retrouver en face…de ce qui aurait dû être et de ce qui a été. Mais à la place de la pierre portant certainement encore la trace des larmes que j’avais versé en mettant de côté ma fierté masculine, il n’y avais que de l’herbe. Tombant à genoux sur le sol marqué par la mort et les mauvaises herbes, je repris un souffle normal, une immense vague de soulagement m’envahissant, restant quelques instants à la fixer. Je savais que c’était ici puisque s’élevait à côté la tombe d’un homme nommé Samuel Ipkins. Qui était toujours là elle mais Kate non…

-Tu es bien vivante….

J’en aurais hurlé si j’étais ce genre de personnes. Mais tout chez moi était intérieur ainsi que mes émotions et ce que je pouvais ressentir. Je restais là pendant quelques minutes, à fixer cet emplacement qui était vide et qui resterais vide. Je me faisais ce serment à moi-même. Me relevant finalement, je plongeais les mains dans mes poches avant de chuchoter.

-Je te retrouverais Kate…

J’avais pris cette habitude, de lui parler alors que pour moi elle avait atteint le paradis, pris l’habitude de tout lui dire comme si elle était encore avec moi et cette fois…c’était une promesse que je lançais au vent en espérant qu’elle l’entende ou qu’elle puisse être actuellement.

-Je te retrouverais….

Je te retrouverais….trois mots qui résonnaient en moi comme une flèche éternelle. Kate…pourquoi son prénom me faisait encore si mal? Je sortis, marchant au hasard des rues, alors que la pluie se faisait plus violente… Je ne l’avais même pas remarqué et j’étais déjà trempé. Puis soudain mon passé, ma vie ressurgit à nouveau mais d’une façon totalement inattendue. Glissant sur une flaque, je percutais violemment une jeune fille que je n’avais pas vu, et je me retins un peu à ses épaules, confondu. Me redressant, je levais les yeux sur elle, alors que son visage sous l’ombre de la capuche ne m’apparut pas immédiatement.

-Je suis désolé.

Et puis je la reconnus alors. Incapable d’articuler un mot, je ne pouvais que la dévisager. Je ne l’avais pas vu depuis dix ans mais elle n’avait pas changé d’un cil puisque la dernière fois que je l’avais vu datait certainement de cette époque. Je reculais sans plus dire un mot, tiraillé entre la rancune que je lui gardais et en même temps, un désir plus enfouit, plus silencieux étant celui de retrouver ma sœur. Mais elle avait tué notre père pour un mec d’après ce que j’avais compris, et je n’y arrivais pas. Je n’arrivais pas à regarder son visage sans penser à lui. Sans penser au soutient qu’il avait été, ses conseils ou peut-être tout simplement sa présence. Il avait été si inquiet pour elle, qu’il était mort sur cette angoisse de ne pas retrouver sa fille pendant qu’elle s’amusait je ne sais où. Mon visage s’assombrit,alors que je vrillais mes yeux bleus océan dans les siens, lointain,partagé. Quelque part, j’aurais aimé être capable de lui pardonner mais si cet acte changeait ma vie? Si je ne devais plus retrouver Kate parce qu’avec ma sœur tout était rentré dans l’ordre? Si toute ma vie se retrouvait chamboulée par ce choix?

Ainsi, je ne bougeais pas immobile, tenté de lui tourner le dos et de partir. Mais je n’étais pas crétin à ce point. Tout de même pas….Je ne pouvais pas faire ça surtout que j’étais très loin d’être lâche. J’étais loin de ce genre d’hommes. Cependant, je ne pouvais lui dire Salut ou quelque chose de ce style. Je ne pouvais que la regarder et attendre.

Une tasse de café à la main je regardais par la fenêtre de ma chambre. C'était toujours le même paysage que je voyais depuis 10 ans déja. Des arbres, à cette époque sans feuilles accompagnés à ce moment d'une fine pluie. J'observais la rue, regardant chaque habitant passer avec un parapluie. Ce dernier se trouvant toujours dans le sac à main des dames car ici la pluie se faisait régulière. Cette ville en devenait déprimante, plus encore quand on avait une vie comme la mienne. Je n'étais même pas habillée, je profitais de prendre un peu de temps grâce à cette journée de congés. Rares sont les fois où mon patron m'en autorise une, il va donc falloir l'apprécier à sa juste valeur. Agacée par ce mauvais temps je tirais d'un coup franc le rideau bordeau de ma chambre puis posa ma tasse de café non finie sur le coin de la commode. Je me demandais se que j'allais bien pouvoir faire de ma journée. J'entrepris d'aller prendre ma douche pour m'éclaircir les idées. Retirant mon pyjama ma main s'arrêta sur mon ventre où une légère bosse se formait. Un rendez-vous à l'hôpital mais toujours aucune date, une attente, de multiples questions se chamboulant dans ma tête. Je n'avais toujours aucune idée de se que j'allais faire. A vrai dire j'étais seule pour réfléchir, je ne souhaitais pas en parler. Entrant dans ma douche, je ferma les yeux en sentant l'eau chaude couler le long de mon cou. Je n'aurais jamais voulu sortir d'ici, tout y était calme seul l'eau frappait sur le sol, une douce mélodie à mes oreilles. Au bout de 30 min je finis par en sortir, m'enroulant les cheveux dans une serviette et enfilant mon peignoir rouge je me rendis dans ma chambre. Je pris un jean noir que j'avais acheté la semaine dernière dans ce magasin de femmes enceintes et mis par dessus une tunique rouge. Une préparation matinale des plus normale, banale et ennuyeuse tout comme ma vie.

La pluie s'arrêtant je pris la peine de sortir pour ne pas rester enfermée ici toute la journée. J'enfilais une veste, grâce à elle personne ne remarquerait mon ventre petit certes mais légèrement voyant. Une foie la porte franchie je me mis à marcher sur le trottoir ne sachant pas vraiment où aller. Le vent se faisait sentir et c'est les mains dans les poches, la tête baissée que j'avançais. C'est alors que j'arriva par je ne sais quel miracle devant cette maison. Cette dernière où j'avais passé les premières années de ma vie. Je n'y étais jamais revenu depuis que ... depuis que mon père était mort. Par ma faute ... Je me souviens encore de ce jour ou tout à basculé. J'étais chez moi tranquillement entrain de regarder la télévision quand j'entendis le facteur, je me rua dehors car j'attendais du courrier. Ce dernier était justement dans le tas de lettre du jour. Je m'installa sur le canapé tournant la lettre dans tous les sens, hésitante. Je pris alors mon courage à deux mains et déchira le haut de l'enveloppe. A peine j'eus lu les première ligne que je chifonna la lettre et la balança dans un coin de la maison. Cette lettre c'était ma chance, la seule que j'avais de pouvoir réussir. Ce jour là je partis de la maison, sans rien, sans manteau ni portable. Je voulais partir d'ici, ne plus jamais revenir. Mon frère réussissait dans la vie et moi je me retrouvais sans rien. C'est ce soir là que mon père est mort après avoir pris al voiture pour me chercher il eu un accident. Rentrant chez moi quelques heures plus tard pour récupérer des affaires j'appris en écoutant le répondeur que mon père était à l'hôpital. C'est en courant que je m'y rendis. Je me souviendrais toujours du regard de mon frère et de ses paroles. Mon père était mort et mon frère me tenait pour responsable, je ne le revit plus jamais.

Les larmes aux yeux je repartis, ces souvenirs me faisaient mal, très mal. C'est alors que la pluie s'abattie d'un seul coup sur la ville de Londres. Ayant oublié mon parapluie je me m'y à courir pour rentrer le plus rapidement possible chez moi. Je pris un raccourci en passant par Soho, ce quartier que je n'aime pas spécialement. C'est un quartier chaud de Londres où quand on croise quelqu'un on n'est jamais sûr si c'est vraiment une fille ou un garçon. Des prostituées sur certains trottoirs, des sex-shops, des clubs de stripteases. Je passais vraiment par ici en cas de grande nécessité comme en ce moment. Regardant où je marchais je percuta quelqu'un, ce dernier s'accrocha à mes épaules pour se retenir et pour ne pas que je tombe surement. Instinctivement je posa la main sur mon ventre, instinct de protection ? Peut-être ! Et pourtant je n'étais même pas sûr de le garder. C'est alors que je releva la tête, capuche sur la tête je le vis. Dix ans que je n'avais plus jamais entendu parler de lui. Je restais figée, toujours la main sur mon ventre à le regardant. Le détaillant de toute part, il n'avait pas changé. A vrai dire la dernière fois que je l'avais vu c'était il y a quelques mois à cette époque là.


"Aeron !!"


J'étais plus que surprise, prononcer son prénom me fit frissoner celà faisait bien longtemps que ce prénom n'était pas sortit de ma bouche. La pluie continuait de dégringoler mais je n'en avait que faire, trop absorber par mon frère se trouvant face à moi.

Je restais immobile, incapable de prononcer un mot. Je me retrouvais dans une situation que j’aurais préféré de loin éviter. Surtout que je l’avais jeté à la même époque, du moins il y a quelques mois de cela. Le regard que je lui avais jeté. Je m’en souvenais encore. En vérité, je me souvenais parfaitement de la scène sur laquelle on s’était séparé et ce parce que je l’avais décidé. Je ne pouvais pus la regarder en face. Une façon de fuir? Peut-être mais dans tous les cas, j’étais partit.

Quelques mois plus tôt…. Des années

Je courais dans les couloirs, comme si ma propre vie en dépendait. On ne remplace jamais un être cher et surtout lorsqu’il s’en va. Bousculant à moitié les médecins, je parvins au bureau faisant office d’accueil, complètement paniqué. Cependant, même la panique chez moi ne se décelait pas, je paressais calme. Mais tous ceux qui me connaissait savaient que ce calme n’était que factice, que je l’étais bien trop pour que ce soit bien réel. Regardant la femme impassible, le visage vide d’expression, je lui demandais des nouvelles de mon père qui venait d’entrer. Elle m’indiqua le premier étage et j’y courus, à perdre haleine et le souffle amoindrie, je finis par y parvenir. Restant devant la porte, j’attendais quand je vis le médecin sortir de la pièce. Mon visage blême devint livide.

-Je suis désolé

Il n’y a rien de pire que de savoir que vous avez entendu votre père mourir. La conversation qui s’était coupée nette, un crissement de pneus avant la tonalité. Crispant les poings, je m’étais approché à son signe, pénétrant la salle avant de voir le visage nettoyé du sang qui avait du couler des plaies qu’on remarquait sur son visage. Serrant les dents, je ne sus que verser une larme et une seule. C’était déshonorant pour un homme de pleurer n’est-ce pas? Mon père me l’avait assez répété et je savais qu’il n’accepterait pas que je pleure ainsi sa mort. Enfonçant les doigts dans mes paumes, je baissais la tête avant de ressortir de la pièce. C’est à cet instant qu’après avoir relevé la tête je la vis. Mes yeux croisèrent les siens et je ne pus que l’observer le visage glacé. J’avais enfermé mon chagrin derrière cette carapace rigide et désormais je la regardais de la même façon. Sans vie. Ma voix se fit dure et je passais près d’elle.

-Je ne veux plus te voir.

Radicale, direct. Je ne pouvais plus de toute façon. Glissant sur le sol de l’hôpital, je sortis à l’extérieur, mordant dans ma langue si bien que le sang finit par envahir ma bouche. Je souffrais mais en silence et seul. Le soir même, j’étais rentré et fin prêt pour un tournage en Irlande. Loin de ce pays et loin de la vérité qui me glaçait et me faisait peur. Mon père n’était plus là et j’avais perdu ma sœur. Bien entendu c’était mon choix mais c’était dur à avaler de tout perdre en une journée. Je n’avais plus personne hormis moi-même et ce chagrin violent.

FIN FLASH BACK

Je partis ce soir là et je n’étais pas rentré avant un bon moment. La fixant vide, avec la même expression qu’autrefois, je me fermais radicalement. Le visage sombre, je n’osais plus bouger, mais je finis tout de même par lâcher.

-Salut.

Je ne savais pas si elle avait fait le bond en arrière. Si bien que je tentais de la tester en murmurant, plus détendu.

-Cela fait longtemps.

J’étais certes moins sombres, mais ma froideur actuelle aurait fait fuir bon nombre de mes interlocuteurs. Mais pas Sasha n’est-ce pas. Elle me connaissait assez pour ne pas reculer devant mon air revêche. Continuant sur ma lancée, je continuais bien plus acide.

-Excuse moi mais je n’ai pas de….

Je me figeais brusquement en regardant la fin de rue. Une bande de voyous voulait toujours dire ennui. J’aurais très bien pu m’en sortir mais ce n’était pas le cas de Sasha. Et évidemment peu importe la querelle qui nous séparait, jamais je ne l’abandonnerais dans une telle situation. Elle restait ma petite sœur. Glissant un bras derrière elle, je l’attirais contre moi avant de chuchoter à son oreille.

-Tu restes avec moi et tu ne dis rien, je m’en occupe.